Les Echos – 23 octobre 1991 – Marilyn Montreuil

Publié le 23 octobre 1991

Photo : Pascal Bejean
THEATRE « Marilyn Montreuil », de Jérôme Savary et Diane Tell

BD de banlieue

Les Echos n° 16000 du 23 Octobre 1991 • page 42

Il est une qualité que l’on ne peut dénier à Jérôme Savary: la fidélité à un certain style de spectacles, entre BD et satire, entre romantisme populiste et comédie musicale. Et ce n’est pas parce qu’il siège, désormais, à la barre du Théâtre de Chaillot que l’ancien directeur du Grand Magic Circus renonce peu à peu à ses premières amours… Au contraire: soucieux toujours de séduire un public très vaste et très populaire il explique aujourd’hui très sérieusement qu’il a voulu, avec sa « Marilyn Montreuil », (dont il est lui-même l’auteur avec la chanteuse canadienne Diane Tell, qui signe la musique et tient le rôle principal), parler aux jeunes, pour les attirer au théâtre, de ce qui les intéresse: le rock, la banlieue, la drogue un peu, la violence et le rêve. Savary sociologue ? Reste à vérifier que la cible visée retrouvera ici, en effet, ses centres d’intérêt… Les moins jeunes, en tous cas, ne se sentent hélas ni concernés ni même vraiment intéressés.
Voici donc Marilyn. Petite blonde esseulée et farouche, elle est logée au-dessus d’un café des Puces de Montreuil, chez « Raymond-la-fripe », et chante, le soir, sur sa guitare, quelques ballades naîves où perce son envie de grand amour. Son rêve, à elle, c’est Marilyn Monroe: comme elle, elle voudrait pouvoir souhaiter bon anniversaire à « Mr President » et, se souvenant de ses films, elle plagie sans complexe son fameux « I wanna be love by you » qui se termine par « mon Pom-pi-dou »: on a les Kennedy que l’on peut…
Autour d’elle, Raymond se fait houspiller par son acariâtre épouse, deux pauvres types, gentils loubards sans boulot, s’essaient au flamenco et une bande de nanas cuir et clous s’entraînent au rock.

Quelques comédiens remarquables
Tandis que dans un parking proche un gang corse en borsalino flingue à tout va les petits dealers pas reglo. Tout ce petit monde va se retrouvera à Monte-Carlo parce que la princesse « Fanny de Monac’ » veut rajeunir le spectacle du Casino et troquer les plumes contre un groupe de « rock-rap-beur-black ragga muffin de banlieue ». Ajoutez une histoire de travelos, (comme dans « Certains l’aiment chaud »), un faux milliardaire (qui lit « Les Echos » et chante, il a bien raison, que c’est aussi palpitant qu’une série noire…), un mannequin fumant le cigare, un cheik arabe déroulant un tapis de diamant…
On est supposé rire, et rêver. Hélas, on n’accroche jamais. Les décors (à l’économie ?) et la mise en scène surprennent beaucoup moins que d’habitude: pas de tours de magie, de trappes secrètes, de clins d’oeil poétiques. A dire vrai, l’histoire est à la fois linéaire et archi-banale (Savary en a d’ailleurs fait également un roman, qui paraît­il ces jours-ci aux éditions de l’Archipel), et il eût fallu, pour qu’elle séduise, une musique de charme, des chansons que l’on ait envie de fredonner encore… « Cabaret », jadis, était un vrai texte, fort. « Zazou » avait le mérite de nous restituer les grands airs de jazz. « Marilyn Montreuil », qui fait beaucoup, beaucoup de bruit, n’a ni vrai scénario ni musique convaincante… Restent quelques comédiens remarquables: Michel Dussarat, le meneur de jeu de « Cabaret », qui n’a qu’un rôle secondaire (c’est l’une des cibles des tueurs) qui, dans ses rares solos, est formidable de présence, et vraie nature, la « rockeuse » chef Nanou Garcia.

A. C. (Chaillot, 47.27.81.15).