A nous Paris – Agenda – Je m’voyais déjà! Critique

Publié le 4 décembre 2008

A nous Paris (graduit dans le métro)

Une comédie musicale ? Il en sort treize à la douzaine, trop souvent du spectacle gesticulatoire, du fast-food de l’œil et de l’oreille. Ecrite et montée par Laurent Ruquier, celle-ci rend hommage de son vivant, à l’œuvre profuse de Charles Aznavour. Difficile de ne pas se méfier, l’intéressé ayant refusé toutes les propositions de ce type avant de donner le feu vert à sa fille Katia et son gendre Jean-Rachid. On entre dans ce spectacle comme dans une cathédrale : à petits pas prudents en jetant des coups d’œil à la voûte monumentale qui nous surplombe. Car le projet roule sur un fleuve immense : « Dans son répertoire, y a plus de tubes qu’au Centre Pompidou ! » s’exclame un candidat au télé-crochet. Mais Ruquier tient fermement le cap : pas question de raconter la vie d’Aznavour, il s’agit d’offrir au public ses plus grandes chansons, mais aussi des moins connues, telles que La Marche des anges, écrite pour le film Un taxi pour Tobrouk. Mieux : il nous rappelle que ce monstre sacré de la chanson française a fait autant pour la tolérance qu’un sermon de sœur Emmanuelle ou l’édit de Nantes en son temps, en sapant certaines valeurs conservatrices avec des rengaines d’un raffinement meurtrier (Mourir d’aimer, Comme ils disent…). Comment les ressusciter sur scène sans le trahir ? En permettant à une jeune garde talentueuse de réactiver ce fabuleux répertoire. Articulée autour de six « djeuns » rejetés d’un casting, l’histoire s’ancre dans le présent : celui du métissage et de la téléréalité. Sur le plateau : battements de cœur et inquétudes sourdes, sous la houlette musicale de Gérard Daguerre et la mise en scène tonique d’Alain Sachs. Le résultat est là : bourré d’esprit et de cœur avec un talent certain pour le casting. Si les poses de Jonatan Cerrada lassent vite, Stefi Celma brûle les planches, Arno Diem distille une tendresse limpide, Julie Lemas scintille en fille sympa et St-Cyr se fend le bec avec un charme cabotin. Mais passons au bijou : Diane Tell. Dans les années 80, la jolie Québécoise fut un astre élégant, hélas éclipsé par des voix plus brailleuses. En chanteuse alcoolisée, elle nous enchante les tympans en tirant de subtils harmoniques, et son tandem avec Pablo Villafranca fait merveille. Dénué de toute prétention, ce pari gonflé est transcendé par une sincérité fiévreuse et une tendresse palpable. On rit, on s’émeut souvent, et c’est très bien.

Théâtre du Gymnase-Marie-Bell, 38 bd Bonne-Nouvelle, 10e. M° Bonne-Nouvelle. Pl : 28 à 52 € (+ frais de loc.). Jusqu’au 4 janvier , du mardi au samedi à 20h30. A 17h samedi et dimanche. Le 25 décembre et le 1er janvier à 17h. Loc : 01.42.46.79.79 ou http://www.theatre-dugymnase.com